En entrant pour la première fois dans cette cathédrale, on est vraiment impressionné par l’immensité de ses vitraux qui font sa beauté et qui lui donnent vie. Et à bien y penser, ces vitraux nous représentent très bien comme Église. Lorsque l’on voit cette œuvre, on pense à son créateur, l’artiste, qui avait d’abord un projet bien défini en tête avant de la réaliser. Puis, il est allé chercher ici et là, un peu partout, des milliers de morceaux de verre de toutes les couleurs, de toutes formes et de toutes les dimensions pour les retailler au besoin, les disposer selon son plan, pour enfin les unir les uns aux autres avec du plomb.
Dieu a un peu agi de la même façon avec nous. Il a toujours eu un grand projet d’amour pour l’humanité que nous sommes : un grand projet de communion avec lui et entre nous comme frères et sœurs d’une même famille. Et comme le disait Saint Irénée de Lyon, Dieu le Père a réalisé son projet avec ses deux mains : son Fils le Christ et le Saint Esprit.
En effet, pour réaliser le projet de son Père, le Christ nous a rassemblés en Église par l’action de l’Esprit Saint. Comme cet artiste, il est venu aussi nous chercher de tous les horizons pour nous mettre en communion les uns avec les autres : peu importe notre origine, notre classe sociale, notre couleur, nos talents et même nos limites. Car le Christ tenait à nous et avait prévu une place pour chacun de nous dans son Église. C’est d’ailleurs ce que nous venons de lire dans la première lecture d’Isaïe : « Le Seigneur n’exclut personne de son peuple. » Toutes personnes de bonne volonté qui cherchent à l’honorer, à aimer son nom, à s’attacher à lui, à observer son Alliance, seront comblées de joie dans sa maison de prière… une maison de prière pour tous les peuples ! » C’est d’ailleurs le thème du document continental du synode : « L’Église se propose comme une maison pour tous, parce que l’expérience de synodalité que nous vivons nous conduit à “élargir l’espace de la tente” (cf. Is 54,2) pour accueillir vraiment tout le monde. »
Nous sommes ainsi tous invités à dire « oui » au Christ, à son amour, en nous laissant guider, façonner et tailler par le Christ comme cet artiste qui a rassemblé tous ces morceaux de verre. Puis par le baptême et la confirmation, nous faisons corps avec le Christ qui nous unit au Père par l’action de l’Esprit Saint. Le baptême et la confirmation sont en somme ce plomb qui nous unit à Dieu, mais aussi en même temps à nos frères et à nos sœurs. Car nous ne devenons jamais chrétiens tout seuls. Un baptisé s’unit au Christ, mais aussi en même temps avec des frères et des sœurs. Et c’est justement le fait d’être ensemble qui nous donne de la valeur, notre pleine valeur. Comme ces morceaux de verre qui prennent de la valeur du fait même d’être unis les uns aux autres, de faire partie d’un ensemble. Car chaque morceau de verre en soi, tout seul, n’a pas grande valeur ou pas grande utilité. Mais unis aux autres dans un ensemble, alors là, c’est tout différent ! Il prend de la valeur et de l’utilité ! C’est d’ailleurs le message de tout le processus synodal : cheminer ensemble en disciples du Christ comme peuple de Dieu ! C’est ensemble que nous prenons de la valeur.
Ce qui fait la beauté de ce vitrail, c’est aussi la variété des couleurs, des formes, des dimensions. Comme en Église, sa beauté prend sa source dans la variété des charismes, des fonctions, des ministères et des vocations qu’elle recèle : les mères et les pères de famille qui nourrissent la foi de leurs enfants, les catéchètes, les lecteurs, les acolytes, les bénévoles en paroisse ou au diocèse, les religieux et religieuses, les consacrés, les moines et les missionnaires, les diacres, les prêtres, les évêques, et tous les membres du personnel dans nos presbytères et à l’évêché, et il y en a encore bien d’autres. Voilà la beauté de l’Église et aussi sa richesse : car ce que nous sommes avec notre couleur, notre origine, notre histoire et nos qualités propres, tout cela enrichit l’Église. Et nous sommes tous importants, du plus petit au plus grand comme tous ces morceaux de verre. S’il en manque un, l’œuvre n’est plus complète. Comme le berger qui abandonne ses 99 brebis pour aller chercher celle qui est perdue, l’artiste de cette œuvre irait à la recherche du morceau qui manque !
Mais un vitrail, si beau soit-il, si complexe avec tous ces morceaux de verre reliés ensemble par du plomb a besoin d’un élément qui lui est extérieur pour être vraiment lui-même. Il a besoin de la lumière sans quoi il est terne et sans intérêt. Il en va de même pour l’Église… nous pourrions tous être unis les uns aux autres, avoir une belle organisation, de bons réseaux, des planifications et des projets pastoraux très songés, de belles églises… Tout cela serait bien terne et sans grande utilité sans la présence du Christ, lumière du monde au milieu de nous. C’est lui qui nous donne vie. L’Église n’existe pas pour elle-même. Elle existe pour laisser rayonner le Christ à travers ses œuvres et à travers chacun et chacune d’entre nous. C’est en laissant le Christ transparaître à travers nos œuvres et nos paroles que nous vivons pleinement en baptisés, en enfants de lumière. Et comme le disait Saint-Paul : « Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi… (Gal 2,20). Tout ce que vous dites, tout ce que vous faites, que ce soit au nom du Seigneur ! » (Col. 3, 17) Revêtez-vous du Christ ! (Rm 13, 14)
Comme Église, le pape François nous appelle souvent à devenir des disciples missionnaires, afin justement de porter cette lumière divine dans les périphéries (physiques ou spirituelles), qui sont souvent notre propre famille, notre voisinage, notre milieu de travail, de loisirs ou d’études. Profitons de ce processus synodal en cours pour laisser l’Esprit nous habiter davantage afin de redécouvrir l’Église du Christ que nous sommes et le devenir encore de plus en plus tel que lui-même l’a conçue et désirée.
Mot de l’évêque à l’attention des lecteurs et lectrices : Prochainement, je vous reviendrai avec une autre histoire de vitraux, tirée d’une rencontre avec un témoin de foi que je n’ai jamais oublié ! Merci de m’accueillir aussi chaleureusement, et de me faire sentir, déjà, que je fais partie de votre belle et grande famille diocésaine. Joyeuses Fêtes. Que Dieu vous bénisse!